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Compte rendu -

Bolivie : fabrication d'outils à traction animale

pour la culture de la patate





Bourse AVI International - Edition 2016

Un projet mené par Raphaël Grandeau




Rapide acclimatation dans la région de La Paz

Quelques jours après mon arrivée dans les locaux de l'association bolivienne "Fundacion Andina para la Ninez" à Viacha, ville industrielle située à 3800 m d'altitude dans la banlieue de La Paz, il est temps pour moi d'aller faire connaissance avec la communauté aymara Hiscahoco.

Ce village rural de paysans andins, niché dans les grandes plaines d'altitude de l'altiplano bolivien, sera la communauté pilote pour le projet de construction d'outils à traction animale que je cherche à mettre en place. Je passerai donc une petite semaine dans la famille de l'agriculteur Wilmer afin de faire connaissance, de mieux comprendre leur mode de vie et de cerner leurs pratiques agricoles.

La communauté Hiscahoco

Wilmer m'accueille avec un large sourire. Vêtu d'un poncho pourpre à rayures verticales et d'un chapeau noir surmontant un fin bonnet en laine d'alpaca, je comprends qu'il exerce une fonction à responsabilité dans la communauté. Il est "consejo" de l'école de la communauté, en charge de la gestion de l'école primaire, en parallèle de ses propres activités agricoles. Wilmer m'invite à rejoindre sa maison afin de se protéger du froid sec et hivernal de l'altiplano : les températures descendent jusqu'à -15°C sur ces immenses espaces balayés par des vents glaciaux.

Maison en terre cuite, toit en paille pour la pièce qui fait office de cuisine, pas d'eau courante, onze vaches, trois chiens, une quinzaine de chèvres, trois poules, et un chat qui trouve refuge dans la cuisine pour avoir plus chaud. Les cinq enfants de Wilmer, âgés de 4 à 15 ans, et sa femme, Lidia, m'accueillent à bras ouverts. Les deux aînés vont au lycée situé à 45 minutes en vélo de leur maison, tandis que les deux cadets sont élèves dans l'unique classe multi-niveaux de leur village.

Au menu pendant ces quelques jours : soupes à base de patates andines, de riz et de patates déshydratées ("chuno"), infusions à l'eucalyptus, pain.

Le confort occidental est à oublier : pas de douche, et surtout les déchets se jettent n'importe où - le concept de poubelle n'est pas connu dans le village, et le déploiement récent mais progressif des emballages en plastique engendre de tristes paysages. Le pourtour de la maison est jonché de détritus où se côtoient bidons d'huile et restes alimentaires que les poules viennent picorer ; les champs d'orge ou de quinoa sont envahis de sacs plastiques.

J'assiste Lidia, la mère de famille, dans ses activités journalières : lever vers 6h30 du matin avec le soleil, tâches matinales dédiées à l'entretien du bétail, coupe de l'orge à la serpe, ramassage des pommes de terre à la pioche, préparation des repas pour toute la famille... La vie de « ménagère andine » n'est pas de tout repos !

J'accompagne également la famille à l'église du village le samedi. Lieu d'échanges entre villageois, l'église n'est pas seulement un moment de méditation spirituelle : un déjeuner copieux à base de pommes de terre apportées par toutes les familles est par exemple partagé le midi.

Le soir, je me joins au traditionnel match de foot organisé par les hommes de la communauté : il n'est pas évident de garder son souffle à 3800 m d'altitude après quelques aller-retours en courant. J'arrive tout de même à marquer un but, ce qui me permet de bien m'intégrer avec mon équipe !

Les enfants de Wimer sont vraiment attachants : nous jouons ensemble au football dans les champs en jachère, et je leur fais découvrir certains fruits comme le kiwi qui ravit les papilles de tous. Les fruits ne sont en effet que peu consommés sur les plaines d'altitude boliviennes, puisqu'ils ne peuvent pas pousser dans de telles conditions d'aridité et sont donc importés d'autres départements plus fertiles, ce qui en augmente leur coût pour les familles modestes.

Je profite d'être dans la communauté pour démarrer mes enquêtes auprès des paysans andins - celles-ci, destinées à bien cerner les pratiques agricoles actuelles, vont me permettre par la suite de déterminer la place que pourra avoir l'outil à traction animale dans les communautés. J'interroge quelques familles, accompagné de Wilmer qui m'aide occasionnellement à traduire l'aymara, langue indigène, en espagnol. Je retrouve des chefs de famille avec qui je jouais au football le samedi soir, ce qui facilite parfois le travail d'enquête !

Travail en atelier à Viacha

De retour dans les locaux de l'association à Viacha, je fais la synthèse de mes premières enquêtes, qui se verra confirmée avec les enquêtes ultérieures : les activités de toutes les familles son centrées sur l'agriculture. Ils cultivent patates, orge, et quinoa, de manière rudimentaire. Les plus riches peuvent parfois se payer la location de vieux tracteurs des années 1980 pour labourer leurs champs, mais les plus modestes se contentent d'un travail à la main accompagné d'un travail à traction animale - araire en bois tirée par deux vaches. Cet araire en bois n'est autre qu'une poutre coudée qui s'enfonce dans la terre pour créer un sillon. Cependant, l'outil casse régulièrement (1 à 2 fois par an) à cause de la dureté de la terre. Une solution intermédiaire entre l'araire en bois et le tracteur est donc pleinement justifiée : cela confirme le potentiel de l'outil à traction animale en acier que je tente de créer.

A Viacha commence alors la conception et la fabrication de l'outil en acier. Avec l'aide des deux techniciens locaux, Felix et German, je finalise les plans d'un outil qui se veut le plus pratique et le plus simple possible. Felix et German, bricoleurs et mécaniciens de talent, m'accompagnent sur le marché aux puces d'El Alto (non loin de La Paz) pour acheter des matériaux usagés afin de construire l'outil. Ces derniers sont en effet beaucoup moins chers et permettent d'acheter des pièces en petites quantités. Nous passons deux semaines à fabriquer l'outil tous ensemble - des doutes apparaissent parfois lors de la fabrication par rapport aux plans initiaux, mais comme dirait Felix : « No hay problemas aqui, solo soluciones ». C'est également l'occasion pour moi de nouer une belle amitié avec ces deux techniciens.

L'outil se compose de deux parties : un porte-outil auquel vient se rattacher un outil interchangeable grâce à deux vis. La forme en triangle adaptable du porte-outil permet de régler au mieux l'angle d'attaque de l'outil qui lui est rattaché. Un guidon ajustable est également fabriqué pour un meilleur maintien directionnel. Deux outils ont été créés : une récolteuse de patate et une semeuse d'orge et de blé en forme de râteau.

Deux sessions de tests dans la communauté vont nous permettre d'effectuer les premières modifications sur l'outil. Wilmer nous a gardé quelques buttes de patates pour pouvoir faire les tests. L'intérêt suscité par l'outil dépasse mes espérances : certains agriculteurs curieux viennent observer les essais. Ces sessions sont aussi l'occasion pour moi de collecter davantage de données sur mes enquêtes agricoles.

Et maintenant ?

Le premier prototype va rester dans l'atelier de l'association bolivienne pour pouvoir être reproduit. Une première copie est en cours de réalisation et est destinée à la famille de Wilmer, en cadeau de remerciement pour son aide dans le projet. J'ai en parallèle réalisé un dossier de subvention afin de récolter des fonds pour implémenter les prochaines copies de l'outil dans les communautés de l'altiplano bolivien. Reste maintenant à espérer que l'outil réalisé permettra de soulager le travail de la terre de nombreux agriculteurs boliviens !





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