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Compte rendu -
Valorisation de plantes médicinales
dans la communauté Bunong, Cambodge
Bourse AVI International - Edition 2012
Un projet mené par François Chassagne.
Notre projet scientifique et solidaire, mettant à profit nos compétences techniques et sociales de pharmacien, a eu pour objectif la préservation et la valorisation des savoirs traditionnels de l’ethnie Bunong.
Le projet a été réparti sur deux thématiques différentes :
- Un travail de développement effectué auprès d’un médecin traditionnel que nous avons aidé à améliorer la qualité et la sécurité des remèdes à base de plantes qu’il produit.
- Un travail de recherche effectué auprès de plusieurs villageois de la communauté Bunong dont le but était de faire un état des lieux du savoir en médecine traditionnel des membres (non spécialiste) de la communauté.
Projets accomplis
Projet de développement avec le jeune tradipraticien
Le but de ce projet était d’aider un médecin traditionnel (prénommé Dim) récemment installé à développer des remèdes à base de plantes pour ses patients.
Après avoir suivi une formation de 6 mois à Phnom Penh (la capitale du Cambodge) et suite à la mort de son père (lui aussi tradipraticien), il a décidé de reprendre le flambeau (comme cela se fait couramment là-bas : transmission de père en fils).
Avant notre arrivée, il avait déjà commencé à préparer plusieurs remèdes à base de plantes (morceaux d’écorce ou de racine présenté dans un sachet en plastique et devant être utilisé en décoction). Nous sommes intervenus afin d’assurer la qualité du produit et la sécurité des patients.
Ci-dessous : Photo de Dim et de ses remèdes médicinaux
Il nous fallait déjà identifier les plantes utilisées afin d’assurer la transparence et d’éviter toute toxicité, car bien souvent les sachets présentés sont dénués de toutes informations. Nous n'avions donc aucune indication de quelles plantes se trouvent à l’intérieur.
La première étape a donc été d’interroger le médecin traditionnel sur les plantes utilisées dans ces préparations, mais aussi les quantités utilisées, les parties de plantes utilisées, le mode de préparation, les dosages et fréquences d’utilisation et les précautions éventuelles.
Nous nous sommes focalisés sur six remèdes utilisés pour traiter les maux d’estomac, les hémorroïdes, les toux, les leucorrhées et ceux pour donner de l’énergie et aider à améliorer la santé après l’accouchement (traitement très utilisé au Cambodge).
Il nous a fallu plusieurs jours d’entretiens (à l’aide d’un traducteur) pour arriver à comprendre tout cela.
Ci-dessous : entretien avec Dim et le traducteur (à gauche) et la mère de Dim (à droite) préparant un remède contre le mal après l’accouchement (100 plantes différentes)
La deuxième étape était ensuite de récolter (en présence du tradipraticien) toutes les plantes utilisées pour ces six remèdes. (Un remède peut contenir jusqu’à 20 plantes différentes !).
Cette étape était indispensable afin d’identifier précisément chaque plante. Chaque plante porte un nom vernaculaire (nom commun, ex : concombre) et un nom scientifique (ex : Cucumis sativus), et parfois une même plante (défini par son nom scientifique) peut porter plusieurs noms vernaculaires différents. Dans notre cas, le tradipraticien connaissait très bien les noms vernaculaires de chaque plante mais nous n’étions pas sûrs qu’il soit à l’abri d’une erreur d’identification.
Cette étape a été répartie sur plusieurs séjours (quatre séjours d’une semaine environ) dans le village du médecin traditionnel. Nous avons récolté ainsi plus d’une cinquantaine de plantes différentes en différentes saisons (sèche (janvier-mars) et humide (avril-juin)).
La troisième étape consistait à identifier précisément chaque plante, puis à effectuer un herbier de toutes les plantes utilisées.
Afin d’assurer l’identification taxonomique précise de chaque plante. La collaboration de l’herbier national de Phnom penh a été d’une grand aide, et l’utilisation de divers ouvrages de botanique généraliste (clé taxonomique de chaque genre de plante) ou plus spécifique au Cambodge (Flore photographique du Cambodge Ed. Privat ; Dictionnaire des plantes utiles au Cambodge, Dy Phon ;…) a été incontournable. D’autre part, nous avons comparé nos planches d’herbiers à celles en accès libre sur internet sur le site du Museum National d’Histoire Naturelle de Paris.
Cette étape nous a pris plusieurs semaines réparties après chacune de nos expéditions dans le village.
La quatrième étape a pris naissance une fois toutes les étapes précédentes réalisées.
A partir de toutes les informations recueillies, nous avons élaboré une notice d’emploi détaillant la composition de chaque remède, les quantités de plantes utilisées, les lieux de récolte, le mode d’utilisation, les précautions à suivre, les conditions de conservation et les coordonnées de notre tradipraticien. Ainsi, nous pouvons garantir aux patients que le remède ne relève pas du charlatanisme !
Les notices ont été écrites en Anglais et doivent être traduites prochainement en Khmer par l’association Nomad RSI.
D’autre part, nous avons aussi apporté une contribution financière pour la réalisation d’une maison de vente de plantes médicinales (disposée au-devant de la maison du tradipraticien) servant au stockage des plantes et à la vente des remèdes.
Nous lui avons aussi acheté une balance (non électrique, il n’y a pas d’électricité là-bas) afin qu’il puisse mesurer précisément la quantité de plante (il utilisait sa main comme unité de mesure avant !).
Nous lui avons fourni un registre de suivi avec différentes informations à compléter afin de le sensibiliser à l’importance de suivre ses patients après la vente du traitement.
Projet de recherche avec les villageois
Ce projet de recherche consistait à recenser le savoir traditionnel des villageois (non tradipraticiens) Bunong sur les matières végétales ou animales utilisées pour soigner leurs proches.
Ainsi, une enquête a été menée dans trois villages différents avec entretiens de 52 personnes. Nous les avons interrogés sur les matières médicales (plantes, animaux, champignons, produits d’insectes) utilisées pour soigner 10 pathologies différentes (Fièvre/Rhume, Paludisme, Brûlure, Blessure, Maux d’estomac, Toux, Diarrhée, Rhumatisme, Maux de tête, entorse/foulure et traitement après l’accouchement).
Ce projet avait pour but l’état des lieux de la connaissance général des plantes (ou autre matière) par les villageois de la communauté Bunong.
Les différentes étapes réalisées ont été sensiblement les mêmes que le projet de développement avec le jeune médecin traditionnel. Voici donc un résumé de ce que nous avons fait :
• Entretien avec les villageois (env. 1h) à l’appui d’un questionnaire détaillé
• Récolte des plantes utilisées
• Séchage des plantes et mise sous planche
• Identification des plantes récoltées
Les résultats ont montré qu’un fort pourcentage de villageois de tout âge possède une connaissance en médecine traditionnelle. Plus d’une soixantaine de plantes ont été décrites dont certaines sont très populaires (le goyavier pour traiter les diarrhées notamment). Ils peuvent utiliser aussi bien les feuilles, l’écorce ou les racines dont ils extraient les principes actifs grâce à de l’eau bouillante (décoction).
Conclusion
Le voyage et le projet mené sur place ont étés tout simplement exceptionnels. La province du Mondulkiri est une région magnifique, atypique (avec une terre argileuse de couleur rouge) et très agréable à vivre de par son climat idéal (ni trop chaud ni trop froid). Il est très étonnant de rencontrer une population (les Bunong) vivant toujours en marge de la société dans des conditions simples et traditionnelles.
Un grand merci à l'association Nomad RSI pour leur soutien et aussi à toute la communauté Bunong pour leur gentillesse.
Merci à l'assureur AVI de m'avoir soutenu et à vous tous pour votre aide !
A propos
Je profite de cette présentation pour vous parler de la récente parution de mon livre intitulé « L'Asie de mes jeunes yeux ». Il s'agit du récit de mon précédent voyage en Asie effectué en 2010 pendant plus de 9 mois à travers différents pays : Japon, Chine, Vietnam, Cambodge, Laos.
Vous trouverez donc sur le site monbestseller.com, un livre intitulé « L'Asie de mes jeunes yeux » que vous pouvez lire gratuitement. N'hésitez pas à le consulter et à laisser vos avis.
Vous pouvez également consulter le blog de ce voyage sur www.laroutedefrancois.unblog.fr
A très bientôt pour une nouvelle aventure !
François
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