L'Esta permet aux Européens de voyager aux États-Unis 90 jours, sans visa, pour tourisme et/ou affaire. Nous avons consacré un article aux 4 limites, peu connues, qu'elle impose à ses détenteurs. Sophia, une jeune française, ne les connaissait pas et pensait qu'il suffisait de rester moins de 90 jours d'affilée sur le territoire pour rester dans les clous. Elle a payé cher son ignorance.
Au mois de mai 2016, elle tente d'entrer aux États-Unis depuis Tijuana au Mexique. Son Esta a été approuvée il y a longtemps.
Elle pense qu'elle pourra traverser la frontière et être autorisée à séjourner 90 jours aux USA. Les douaniers examinent son passeport, lui posent des questions. Elle ne repartira pas libre du check-point.
Il s'avère que la jeune femme était en Californie la veille. Elle a loué une voiture à Los Angeles et roulé 2h30 jusqu'au Mexique.
Son idée : remettre à zéro, en faisant "le tour du poteau", le nombre de jours où elle peut rester aux States. Comme nous l'avons expliqué,
dans le cadre de l'Esta,
les voyages au Mexique (ou au Canada) ne sont pas considérés par les Américains comme des sorties du territoire.
Aux yeux des agents de la Customs and Border Protection (CBP), la faute est d'autant plus grave que Sophia a déjà effectué la même manoeuvre trois mois plus tôt.
Ce faisant, elle avait enfreint
un autre principe de l'Esta : que les voyages aux USA soient espacés "d'un délai raisonnable". Elle était passée sans encombre. Ce n'est pas le cas cette fois-ci.
Débute un enfer qui va durer deux mois. Sans même pouvoir passer un appel téléphonique, elle est placée en rétention administrative.
Pendant quatre jours dans une cellule, sans douche, sans pouvoir se laver les dents, elle doit dormir par terre, avec d'autres femmes,
les unes sur les autres.
Il fait froid, les néons sont toujours allumés, elle ne peut voir la lumière naturelle.
Toutes les deux heures, des agents les réveillent. Quand elles entendent leur nom, elles doivent se lever et plier leurs couvertures.
"Nous faisons nos besoins là, offrant nos odeurs intimes à toute la cellule", témoignera-t-elle dans le média L'Obs-Rue89 un mois après son retour en France.
Les interrogatoires se succèdent. Après ces quatre jours, elle peut passer un coup de fil... Enfin, à condition qu'il s'agisse d'un numéro américain... et qu'elle le connaisse
par coeur ! Malheureusement, ce n'est pas son cas. Ses proches n'ont donc plus de nouvelles d'elle depuis qu'elle est partie au Mexique.
Enchaînée aux pieds, à la taille et aux mains, elle est emmenée dans un avion. Direction : le El Paso Processing Center, un centre de détention.
Sophia se retrouve dans un hangar qu'elle partage avec une cinquantaine de femmes d'Amérique du Sud qui
attendent qu'un juge statue sur leur demande d'asile politique. Évidemment, elle est la seule
touriste occidentale !
Une semaine après son arrestation, elle peut enfin (grâce à l'argent qu'elle a sur elle) passer son premier appel téléphonique.
Depuis la France, ses amis tentent de la faire libérer. Mais rien n'y fait. En voyageant avec l'autorisation Esta, on renonce à faire appel d'une non-admission
aux USA. Et il faut attendre en moyenne six semaines pour qu'une expulsion soit organisée.
Sophia a fini par rentrer saine et sauve en France. Les conséquences pour elles sont cependant lourdes :
=> Elle ne peut retourner aux US pendant cinq ans.
=> Elle n'a jamais pu récupérer ses affaires restées aux États-Unis.
=> Elle a pu faire restituer sa voiture de location, mais l'agence lui a facturé 700 $ de frais.